Dans l'article de La Revue de l'Avranchin sur la Paroisse du Luot sous l'Ancien Régime, était seulement signalé, faute de renseignements, que la fondation d'une école de filles et les noms des deux institutrices : Claude Lebonnois et Michelle Gauquelin.
A présent des documents ont permis de mieux connaître les origines de cette école interparoissiale.
Le premier de ces documents a été signalé par M. Gabriel Ligot :
Inscription : ECOLE . FONDEE. P . LES . FILLES. DU .
LUOT . CHAVOY . E. STE - PIENCE
PR . GILETTE . COUSIN . DU . P . 1712.
Cette inscription est gravée sur le linteau de la porte d'une maison située en bordure de la route du Luot à Sainte-Pience, à une centaine de mètres de l'église du Luot et près du ruisseau qui sert de limite aux deux paroisses, confirme l'emplacement du pré Chennevière, sur lequel nous savion que l'école avait été bâtie.
En outre, elle nous révèle le nom de la fondatrice et la date de fondation.
Enfin, elle indique que cette école était interparoissiale et par conséquent, ouverte pour des fillettes des trois paroisses : Le Luot, Chavoy et Sainte-Pience.
Le second document est la copie d'un Mémoire rédigé en 1854 par l'abbé Leduc, curé du Luot, à l'occasion de la mise en vente de cette maison par les maires des communes du Luot et de Sainte-Pience, MM. Doublet et Servain.
Voici les passage essentiels des ce Mémoire :
" Par permission de M. Jean Bassilly, alors curé du Luot, et des paroissiens de ladite commune, le 12 juillet 1711, fut bâtie une maison au bout du pré, béénfix-cure du Luot, mais sur la paroisse de Sainte-Pience, aux frais de Dlle Gilette Cousin, qui voulait fonder une école pour les filles des paroisses du Luot, Sainte-Pience et Chavoy.
Cette école devait être dotée de 30 francs de rente, des deniers de ladite Dlle Cousin, au profit de l'institutrice... qui serait éligible et même amovible de l'avis du curé et prêtres du Luot. Se réservant la dite Cousin, la jouissance de cette rente, sa vie durante. Sur ces deniers, 306 francs furent remis sur-le-champ entre les mains du Sieur Gabriel Gautier, prêtre du Luot ; le reste devait être fourni... dans l'année même."
Le troisième document est un extrait d'une transaction entre les communes de Chavoy, Sainte-Pience et Le Luot, et d'une convention entre les maires de Sainte-Pience et Le Luot, l'une et l'autre en date du 21 mai 1809.
La Municipalité de Chavoy renonçait à toute prétention sur la maison d'école, laissant les deux autres municipalités régler entre elles les droits qu'elles pouvaient avoir. - Celles-ci convenaient de se partager les frais de réparations à la couverture en paille de ladite maison. La commune de Sainte-Pience ferait réparer le pan nord, et la commune du Luot, le pan sud.
Avec l'aide de ces trois documents, il est donc possible de retracer l'histoire de la fondation de l'école des filles du Luot ;
En premier lieu - il apparaît que la fondation est dûe à l'initiative de Gillette Cousin, du Perron (tante et marraine de Louis-Pierre Cousin, Docteur en Sorbonne, et curé de St Gervais d'Avranches, de 1740 à 1791), que l'intention de la fondatrice était de créer une école interparoissiale que pourraient fréquenter les filles du Luot, de Sainte-Pience et de Chavoy. Généreusement elle dotait cette école de revenus suffisants pour assurer le traitement de l'institutrice.
La maison d'école fut-elle construite à cette date ? D'après le Mémoire de l'abbé Leduc, sa construction fut entreprise avec la permission de Me Jean Bacilly, or celui-ci fut curé du Luot de 1737 à 1760. Ce serait donc vers 1737 qu'il faudrait la placer, la date de 1712 gravée sur le linteau de l'école, laquelle aurait été primitivement ouverte dans une maison plus ancienne !...
Gilette Cousin, était née en 1665, elle approchait donc de la cinquantaine lorsqu'elle ouvrit l'école, et elle avait 72 ans lorsqu'en 1737 elle s'associa Fraçoise Payen. Il était normal, qu'à cet âge, elle abandonnât l'enseignement mais en choisissant elle-même la personne qui devait lui succéder, elle ne tenait pas compte de la clause de l'acte de fondation qui réservait au curé et aux prêtres du Luot la nomination et le cas échéant, la révocation.
Ainsi naquit ce conflit entre la vieille institutrice et le curé, Jean Bacilly ; il faut reconnaître, d'après ce que nous révèle le Mémoire de l'Abbé Leduc, que Gillette Cousin et Françoise Payen, défendirent avec tenacité leurs prétentions, peu justifiées, mais par contre que le curé témoigna sa reconnaissance envers la fondatrice en lui laissant la jouissance de la moitié de la maison. Toutefois, il maintint ses droits en nommant institutrice la demoiselle Claude Lebonnois. Celle-ci devait exercer sa fonction pendant 24 ans, jusqu'en 1763, date de sa mort.
Il est donc probable que la paroisse du Luot n'eut que trois institutrices pendant le cours du XVIIIe siècle :
- Gillette Cousin, de 1712 à 1740 (avec pour adjointe non officielle, Françoise Payen de 1737 à 1740)
- Claude Lebonnois, de 1740 à 1763
- Mireille Gauquelin, de 1763 à 1791.
Une autre question se pose à propos de cette école, celle de savoir si elle fonctionna comme école interparoissiale ainsi que le souhaitait sa fondatrice.
La maison fut donc bâtie...(et fut) gravée sur la pierre au-dessus de la porte l'inscription qui s'y voit encore aujourd'hui.
Mais, dans la suite... la Dlle Cousin se ressaisit des contrats de rente et des 306 francs déjà avancés, comme elle le reconaît dans la requête adressée le 17 juillet 1739, à Mgr César Leblanc, évêque d'Avranches.
Dès l'année 1737, la Dlle Cousin s'était associée la Dlle Françoise Payen, et l'année suivante, par contrat devant notaire, le 16 décembre 1738, lui résigna sa place.
A la nouvelle de cette équipée, le curé et les paroissiens du Luot prennent, le 24 mai 1739, une délibération, arrêtant que, vu l'inéxécution des promesses de ladite Dlle Cousin et son entreprise insolente, on renonçait à toute donation de la part de ladite Dlle Payen. On laisse seulement à la Dlle Cousin la moitié de ladite maison.
Une autre institutrice est établie, et on lui donne la rente que M. Le Camus, curé du Luot, par son testament du 7 décembre 1733, avait fondée, pour tenir lieu de toute autre clause particulière de ne recevoir en cette école que les seules filles du Luot.
Notification de cet arrêté fut faite aux Dlles Cousin et Payen, le 8 juin 1739, afin de vider la maison, non comprise la partie réservée à la Dlle Cousin.
Honteuse de leur procédé, elles adressèrent à Mgr l'Evêque d'Avranches, le 17 juillet 1739, une requête afin qu'il donne la survivance à la Dlle Payen ; grossissant les avantages de cette association, la Dlle Cousin mit sous le nom de la Dlle Payen 25 francs de rente, à elle due, par Basselin.
Leur (Procès) . - La Dlle Cousin mourut à la fin de cette année ou au début de la suivante (1740).
Pendant que la pauvre Dlle Payen fatique les gens par ses requêtes et d'épuise en raisons bonnes ou mauvaises, Messieurs les Curés (du Luot, Sainte-Pience et Chavoy) envoient à Mgr l'Evêque d'Avranches, une requête collective, demandant ... que la maison soit vidée et cédée à Dlle Ledionnois, nommée institutrice par M. le Curé du Luot. Portant leurs vues plus loin, ils partagent entre eux la dépouille de cette fille vivante, la Dlle Payen, se faisant assigner sur sa rente de 75 francs, savoir : 50 fr. au curé de Sainte-Pience et 25 fr. au curé de Chavoy, chacun pour leur école ; autant de choses de Sa Grandeur les justifie tous les deux (requête du 4 juillet 1942.
Après cet exposé fidèlement extrait de la procédure, l'abbé Leduc proteste contre la mise en vente de l'ancienne école des filles par les maîtres du Luot et de Sainte-Pience, s'appuyant sur le fait que les curés de Sainte-Pience et de Chavoy se trouvaient exlus par l'acte du 4 juillet 1742, qu'ils n'avaient jamais paru dans aucun acte concernant cette maison, que la maison a été bâtie dans un pré faisant partie du bénéfice de la cure du Luot, et que l'inscription avait été rédigée sur la seule initiative de la Dlle Cousin.
Il est vraisemblable qu'étant donné sa situation, elle fut fréquentée par les filles de Sainte-Pience, dont le bourg était à peu de distance, et probablement par celles qui habitaient les villages de Chavoy les plus rapprochés. La clause imposée à Claude Lebonnois en 1740 de ne recevoir dans son école que les seules filles du Luot, ne paraît pas avoir été rigoureusement appliquée.
En effet, si dans sa délibération de mai 1809, la Municipalité de Chavoy reconnaît qu'elle n'a aucun droit sur la maison d'école, et, en conséquence, qu'elle n'a pas à participer aux frais d'entretien, il ne s'en suit pas qu'elle interdise aux filles de la commune, qui le peuvent, de la fréquenter.
Au contraire, la commune de Sainte-Pience, en consentant à prendre en charge la réfection de l'un des pans de la couverture, prouve qu'un certain nombre de ses filles se rendaient à l'école du Luot.
Toutefois, ces deux paroisses avaient en 1764 l'une et l'autre une maîtresse d'école,qui, peut-être instruisaient à la fois filles et garçons : Dlle Gillette Carnet à Sainte-Pience et Dlle Gilles à Chavoy (Ecole fondée en 1748).
|