- Reportage effectué en 1976 par Michel CAHU et sa classe près de Melle BOURSIN qui avait 5 ans en 1900
" A l'école, le matin en arrivant il fallait se mettre à genoux et faire la grande prière. Le midi avant d'aller au catéchisme, les enfants récitaient un 'pater' et un 'ave', ils recommençaient en rentrant l'après-midi et avant de partir le soir.
Il y avait de la morale, de l'arithmétique, de la dictée, de l'analyse de la géographie, de l'histoire de France, des sciences naturelles, et après la récréation, du dessin, de la couture et du tricot.
A l'école des filles, il y avait une quarantaine d'élèves, et même une année elles étaient cinquante deux, et toutes dans la même classe. Celle qui parlait était punie ; la maîtresse lui donnait des lignes à copier ou le verbe parler à conjuguer.
Il n'y avait pas de cantine. Celles qui habitaient loin restaient à manger à l'école : l'été sous le préau et l'hiver autour du poêle. La maîtresse faisait réchauffer le repas si c'était nécessaire.
L'été les filles s'assoyaient à l'ombre et faisaient des dessins pendant la récréation, sur des feuilles ou des bouts de bois.
L'hiver elles faisaient des rondes ou alors des sauterelles : elles plantaient en terre deux bouts de bois et en posaient un troisième dessus. Elles faisaient ainsi trois sauterelles de plus en plus hautes, et sautaient par-dessus pour se réchauffer.
Les gens étaient habillés avec des vêtements en droguet : tissu de laine épais, chaud et presque imperméable.
Les femmes portaient des robes longues et les filles aussi. Sur le dos, elles mettaient des châles et sur la têtes des "bâchelières', sortes de capuches enveloppant la tête et le cou. Au pied, les gens portaient des souliers, des bottes en cuir, et surtout des sabots de bois avec de la paille dedans;
Les repas étaitent essentiellement composés de lard, de volaille, de galette et de bouillie de sarrasin. Un poissonnier avec une voiture à âne passait tous les jeudis. Ils mangeaient aussi des sardines, des harengs et de la morue sallée.
A cette époque, il n'y avait ni réchaud à gaz, ni cuisinière, la cuisine était faite sur le feu de cheminée.
Il y avait aussi le pain de ménage, que souvent les familles faisaient elles-mêmes, elles en faisaient toutes les semaines, et des pains de six à huit livres environ, pour une famille de six, et cela avec le blé cultivé sur leurs propres terres.
Dans les fermes, il n'y avait pas beaucoup de vaches, deux ou trois, et parfois elles-ci étaient attelées à la charrue avec un cheval. Le lait était mis dans des terrines. Avec la crème on faisait le beurre.
Pour faucher l'herbe on utilisait la faux, et même pour la moisson, on utilisait la faucille. Pour faner on prenait des fourches. C'est la ferme du château qui a eu les premières faucheuse, faneuse et rateleuse.
C'est aussi au château qu'il y eu la première automobile de la commune.
A Sainte-Pience, il n'y avait pas que des cultivateurs, il y avait des tailleurs de pierre, car dans la commune il y avait plusieurs carrières de granit et au moins une trentaine d'ouvriers y travaillaient.
On pouvait voir aussi des sabotiers. Ils faisaient des sabots mais aussi du charbon de bois. Ils rangeaient debout des rondins, revouvraient le tout de terre en laissant une cheminée au centre et allumaient le feu. Ils restaient à surveiller cette meule pendant trois jours et trois nuists, de façon que le bois noircisse et ne brûle pas entièrement.
On éclairait les maisons avec des bougies et des lampes à pétrôle. Pendant la guerre de 1914 - 1918, chaque maison n'avait droit qu'à un litre de pétrole par mois.
A la veillée, les hommes allaient dans la grange battre le blé et préparer le 'glui', c'est à dire la paille pour couvrir les maisons. Ils s'éclairaient avec des lanternes à bougie.
Un journalier à l'époque était payé 20 à 25 sous par jour. Un couturière en gagnait 18 à 20. Le pain de 12 livres valait 28 sous, la livre de morue 6 sous, le kilo de sucre 12 sous, la livre de café 40 à 48 sous, la livre de savon 6 sous, une paire de sabots 14 sous, une paire de chaussures 3 F (ou 60 sous), une bouteille de vin 12 sous...
Au château, il y avait de nombreux employés, 2 valets de chambre, 2 ou 3 femmes de chambre, 2 cuisinières, 2 institutrices (1 française et 1 anglaise).
Tous les lundis, en se rendant à l'école, les enfants des familles très pauvres passaient au château et la cuisinière leur donnait du pain et un morceau de viande de boeuf.
Quand l'enfant d'un fermier du château faisait sa communion, le propriétaire l'habillait entièrement. De même au jour de l'An, il prenait le nom de tous les indigents de la commune et les habillait également des pieds à la tête.
Le dimanche, après les vêpres, la châtelaine achetait un bocal de bonbons et distribuait aux enfants.
Il y avait également un arbre de Noël au château, chaque enfant recevait un petit jouet, une orange et un sucre d'orge.
Pour la communion solennelle, les enfants n'étaient pas gâtés comme de nos jours, souvent ils avaient une pièce de 40 sous, un cierge et un livre de messe. Le repas se faisait simplement avec le parrain et la marraine, et c'est la mère qui faisait la cuisine.
En 1914, un événement s'est produit sur la commune. Un avion est venu survoler l'église et s'est posé sur la prairie du château ; le pilote était un ami des châtelains.
L'avion est resté là une semaine ; il était gardé. Les habitants de Sainte-Pience n'en avaient jamais vu, aussi tout le monde est venu le voir de près, et même des communes voisines.